L’invention du Père Noël

Le Père Noël s’est adapté au temps présent, tant et si bien qu’on le croit inventé au XXe siècle par la publicité ! En réalité, il dérive des représentations de la générosité et de la prospérité, fréquentes lors des mascarades du Nouvel An ou des carnavals d‘Europe, qui sont, elles, très anciennes. Le Père Noël symbolise l’abondance souhaitée pour l’année qui renaît en cette époque de solstice d’hiver (dans l’hémisphère nord) : les jours vont se mettre à rallonger tout comme la verdure et la tiédeur du temps vont revenir. Quel signe d’espérance ! Il en est de même pour le Carnaval, en février quand la lumière s’impose. Vêtus d’habits chatoyants et portant d’impressionnants couvre-chefs, de beaux personnages distribuent des noix, des biscuits ou, tels les Gilles de Binche, des oranges. Ils sont encore parfois accompagnés de personnages laids et inquiétants aux visages masqués, mais ces vilaines créatures, peu aimées, ont souvent disparu des défilés. Ces deux représentations – belles et laides – évoquent à la fois la vie et l’espoir dans la nouvelle année que l’on souhaite féconde, mais aussi la crainte du monde inconnu, non-civilisé, de l’au-delà, le monde des ancêtres. L’homme s’est toujours demandé d’où il venait et où il allait.

Dans diverses régions d’Europe, les beaux personnages ont été christianisés entre autres par saint Nicolas, évêque d‘Asie Mineure des IIIe et IVe siècles qui a réellement existé, grand thaumaturge selon la légende : il a, dit-on, sauvé des marins de la tempête, libéré trois officiers injustement condamnés, doté trois jeunes filles que le père, trop pauvre, allait vouer à la débauche. Pour tout cela, saint Nicolas est devenu le patron des marins, des marchands, des prisonniers, et des jeunes gens. Son patronage le plus célèbre est celui des enfants, depuis que, selon une autre légende tardive, il en a ressuscité trois qu’un méchant boucher avait coupés en morceaux « et mis au saloir comme pourceaux ». Devenu un généreux distributeur de cadeaux, saint Nicolas, porteur d’une longue cape, de sa mitre et de sa crosse, s’est retrouvé dans ses tournées accompagné d’un personnage hirsute et sombre, le Père Fouettard, menaçant avec ses baguettes. Porteur d’un nouveau sens, cet acolyte inquiétant s’est révélé prêt à punir l’enfant désobéissant. Encombrant, le personnage n’a jamais pu disparaître des tournées que l’évêque fait encore dans la nuit du 5 décembre dans diverses régions rhénanes d’Europe (Lorraine, Allemagne, Suisse, Tchéquie, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) : l’un passe pour une allégorie du bien qui vient distribuer cadeaux et pains d’épices, l’autre pour celle du mal avec un sac pour emporter les enfants méchants.

Étant patron des marins, Saint Nicolas a connu très vite une grande vénération de la part des premiers colons d’Amérique du Nord, reconnaissants d’avoir traversé l’Atlantique sains et saufs. L’avènement de saint Nicolas en Amérique du Nord au XVIIe siècle a progressivement transformé Santa Claus, notre Père Noël, lui accordant une taille minuscule pour lui permettre de passer par les cheminées, des bonnes joues et un ventre rebondi, et faisant disparaître le Père Fouettard. Parallèlement en Europe, saint Nicolas a évolué et le bonhomme Noël qu’on connaissait au centre de la France encore au début du XXe siècle avait gardé de l’évêque son port hiératique et son air sévère. Sur les représentations, le Père Noël a gardé longtemps des baguettes à la ceinture, symbolisant à lui seul les deux aspects, généreux mais justicier.