Pour le 1er mai, si le muguet est de mise, il n’y a pas de menu particulier. Depuis les années 1980, certains confiseurs réalisent à cette occasion de jolis pots en chocolat ornés de brins de muguet artificiels. La date, bien connue des corporations, permettait selon de très anciennes traditions de célébrer le renouveau de la végétation : les Celtes déjà fêtaient à cette époque Belteine qui ouvrait la saison chaude et le retour des « mois jaunes ». Ils dressaient de grands bûchers, comparables à ceux qui marquaient dans nos villages la Saint-Jean, le soir du 23 juin : toute la nature bénéficiait de leur fumée. Jusqu’aux années 1950 dans de nombreuses régions de France, les jeunes gens avaient l’habitude d’accrocher dans la nuit sur les portes ou les volets des jeunes filles des mais, éloquents bouquets de verdure car l’espèce choisie était significative. Par exemple, une branche de charme signalait une jeune fille charmante, une branche d’aubépine qu’on l’estimait, une de cerisier qu’elle était volage, de sureau qu’elle était peu appréciée, et le mai de la honte, une branche tordue et sans feuilles à laquelle on attachait un objet injurieux (un chiffon sale par exemple) était humiliant. Les jeunes gens plantaient également un mai collectif, arbre dénudé en partie et éventuellement décoré, sur une place du village, et cette tradition persiste dans certains endroits.
La mode du brin de muguet porte-bonheur, fleur de sous-bois odoriférante mais non comestible, apparut probablement grâce à l’ancienne coutume d’offrir des fleurs coupées à cette époque, annonciatrices de vitalité : à partir de la Saint-Georges le 23 avril (en Europe centrale, en Espagne), ou de la Saint-Marc le 25 avril, encore aujourd’hui à Venise. L’origine en est controversée : elle remonterait au 1er mai 1560 quand le jeune roi Charles IX en aurait reçu à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), et en aurait offert lui-même aux dames de la cour l’année suivante. Au XVIIe siècle, selon Furetière, le muguet était « autrefois à la mode pour faire des bouquets » et mugueter signifiait « faire le galant, le cajolleur, tascher de se rendre agréable à une Dame ». Porteuse de clochettes, autre porte-bonheur bien connu, odorante à tel point que les muguets signifiaient, toujours selon Furetière, « les gens propres et parfumez », la plante se devait d’avoir une connotation positive. Selon le folkloriste Arnold Van Gennep, la coutume serait apparue dans les régions boisées d’Ile-de-France au XIXe siècle, avec l’élection de Reines du Muguet à Rambouillet, Meudon et Compiègne.
Ce ne fut qu’avec la naissance de la fête du Travail le 1er mai qu’apparurent les banquets parfois organisés par les municipalités ou les syndicats pour les travailleurs et les chômeurs. Après la résolution d’un congrès ouvrier international tenu à Paris en 1889 afin d’obtenir la journée de huit heures, le 1er mai a été retenu pour être une journée d’action « dans tous les pays et dans toutes les villes » : cette résolution s’alignait sur les sanglantes émeutes de Chicago qui avaient éclaté les premiers jours de mai 1886 à la suite de cette revendication. Au Muy (Var) en 1906, par exemple, un grand banquet fut servi à midi au café Guigonnet, suivi d’une manifestation et d’un bal. Le 30 avril 1906 au soir, le banquet de Nevers, au prix de 3 francs, évoquait les grands rituels familiaux, communions, mariages ou enterrements, autant que les banquets fraternels de la IIIe République qui accordait un rôle central aux rites du boire et du manger ensemble[1]. Le repas pouvait être simplement un « casse-croûte » de radis, jambon, saucisson et œufs, chacun devant apporter son pain, ou, comme à Fougères, comporter des galettes, des saucisses et du cidre. Au Revest (Var), en 1919, un grand banquet de 130 couverts fut donné par le groupe l’Union socialiste et « le vaillant groupe de Dardennes, l’Emancipation féminine, réunissait aussi une vingtaine de convives »[2].
Après plusieurs propositions pour faire du 1er mai un jour férié, dont l’une retenue en 1941 qui en faisait la « fête du Travail et de la Concorde sociale », la journée ne devint officiellement fériée et obligatoirement chômée en France que par la loi du 30 avril 1947, modifiée par la loi du 29 avril 1948.
[1] Miguel Rodríguez, Le 1er mai, folio/histoire, 2013 (Gallimard/Julliard, 1990), pp. 159-161.
[2] Le Petit Var, cité par Miguel Rodríguez, id. p. 160.